Montpellier, vers où et jusqu’à quand ? Où commence la métropole, quelles limites et quels bords pourraient la contenir, et puis, quel âge a cette ville ? La géographie du Montpelliérais, est-ce son arrière-pays – les collines viticoles, les terrasses cultivées du pic Saint-Loup, les contreforts des Causses pâturés soumis à l’enfrichement et à une urbanisation galopante ; ou bien le rêve d’une réinvention spatiale, de nouveaux paysages – une façade maritime striée de stations balnéaires et de ports de plaisance, ou bien des infrastructures d’échelle internationale, alliant le prestige d’une recherche scientifique et médicale de pointe et les retombées économiques bienfaisantes de l’attractivité touristique ?
Ou encore, reflétant les cultures de tout le bassin méditerranéen, une plus grande ville universitaire aux plus grands projets d’architecture et d’urbanisme, tutoyant ses plus anciennes cousines, Barcelone, Bologne, Fès… et, pour les jumelages les plus récents, Sherbrooke, au Québec, et Chengdu, en Chine ? Sur les panneaux d’affichage, les conteneurs de poubelles et les abris de tramway, cette vision s’incarne sous la forme de trois M qui s’embrassent pour former une étoile. Ce sont les trois M de « Montpellier Méditerranée Métropole » ; ce logo de la communication de la métropole fait varier ses couleurs.
Derrière ces mouvements, ces hyperboles et ces crises de croissance, des jalons historiques existent : 1962 et les accords d’Évian ; le lancement de la mission Racine en 1963 ; l’arrivée d’IBM quelques années plus tard, puis celle de l’autoroute, du TGV, d’un aéroport international, l’accueil du Mondial de football en 1998… et surtout, les mandats successifs d’un maire haut en couleurs et en excès, Georges Frêche, de 1977 à 2004. Mais là aussi, le flou revient : Frêche n’a quitté la mairie de Montpellier, dont le siège aura migré deux fois en quarante ans, que pour la piloter depuis une altitude plus élevée encore, jusqu’à sa mort en 2010 : celle d’un hôtel de région en forme d’arc de triomphe, au-dessus du modeste fleuve Lez et pour fermer l’axe monumental du quartier Antigone, conçu par l’architecte catalan Ricardo Bofill dans les années 1980.
Pourtant, à Montpellier, des éléments de doute et d’incertitude affleurent aussi. Par exemple dans les dates… On ne sait pas bien dire depuis quand Montpellier est en France : 1349 ? 1389 ? ou 1622, lors du siège sanglant de cette place forte protestante par le jeune Louis XIII et ses troupes ?
L’incertitude contemporaine est surtout celle des limites spatiales : à combien de kilomètres se trouve la mer ? Montpellier deviendrait-elle une ville littorale ? Et comment les franges lagunaires de la métropole vont-elles accueillir la montée des eaux ?
Depuis les années 1960, rien ne semble freiner la croissance de la métropole, qui connaît l’un des plus forts taux d’accroissement démographique du pays – 6 à 8 000 nouveaux habitants par an – combien sont-ils : 400 000, 480 000, ou si l’on étend l’aire urbaine jusqu’à son aire d’attraction, plus de 800 000… ? Malgré les efforts payants d’amélioration des réseaux de transports en commun, il semble bien difficile d’absorber ou de contrôler le trafic automobile et la congestion des axes routiers, aux heures de pointe…
L’incertitude, enfin, porte sur les températures et l’évolution du climat : la météo mesurée ou ressentie est encore appréciée, voire recherchée, par les nouveaux arrivants en quête de soleil. Mais pour combien de temps ?
Émission enregistrée en juin 2025.
Références des extraits sonores
- Kurt Vile, “Wakin on a Pretty Day”, album Wakin on a Pretty Daze, Matador Records, 2013.
- Andrea Laszlo de Simone, I nostri Giorni, 42 Records, 2022.
- Takeshi Kitano, L’été de Kikujiro, 1999.
Émission proposée et animée par
Lolita Voisin et Olivier Gaudin